La Fondazione Capellino protagoniste au "Salon de la CRS et de l'innovation sociale"
Plus bas, la vidéo de l'intervention de Pier Giovanni Capellino, interviewé par Paolo Pezzana.
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Paolo Pezzana, Professeur à l'Université catholique de Milan
dialogue avec Pier Giovanni Capellino au
« Salon de la CSR et de l’innovation sociale »
Université Bocconi 30 Septembre 2020
« Un objectif au-delà du profit : quand la conscience guide l’entreprise »
(Pezzana) : Pier Giovanni, comment expliques-tu qu’à un certain stade de ton parcours professionnel te soit venue l’idée de donner naissance à la Fondazione Capellino avec l’objectif de contribuer à sauvegarder la biodiversité ?
(Capellino) : Question simple mais réponse complexe. Pour faire court, je pourrais m’en tenir à invoquer l’obligation MORALE, pour l’espèce humaine, de renoncer à un droit qui relève, dans la mythologie religieuse, d’une « délégation divine » et, dans la réalité anthropocentrique, d’une « supériorité auto-proclamée »: je veux parler du droit de domination que l’humain s’est arrogé sur la planète et auquel il doit renoncer par devoir éthique, au profit du respect de toutes les autres formes de vie et des habitats dont elles dépendent.
Mais, probablement, ces considérations ne correspondent-elles pas à la réponse que tu attendais.
(Pezzana) : ce sont là des considérations majeures et, de mon point de vue, partagées. Mais recentrons-nous sur le premier mot-clé de cet entretien : « l’objectif », à savoir le sens du « vivre l’entreprise » aujourd’hui.
(Capellino): Nous sommes en train de rompre les équilibres qui garantissent la vie telle que nous l’avons connue jusqu’ici ; c’est pourquoi je suis convaincu qu’il est nécessaire de réorienter le paradigme économique dominant.
Nous sommes en train de rompre les équilibres qui garantissent la vie telle que nous l’avons connue jusqu’ici ; c’est pourquoi je suis convaincu qu’il est nécessaire de réorienter le paradigme économique dominant.
Il faut casser la continuité et le faire en évitant de recourir à des modèles que l’histoire a jugés perdants du genre remplacer le tzar par Staline.
Partant de cette prémisse, au lieu de commencer par demander aux autres de faire, j’ai décidé de commencer par faire. C’est ainsi qu’avec mon frère Lorenzo nous avons décidé de donner Almo Nature - l’entreprise de pet food que j’ai fondée en 2000 et qui constitue aujourd’hui une excellence dans son domaine - à la Fondazione Capellino, dont l’objet social est de contribuer à sauvegarder la biodiversité, donnant ainsi forme à un modèle que nous avons dénommé « économie de restitution » : les fruits de la réussite de l’entreprise ne s’accumulent plus sur un compte privé mais sont destinés à des projets visant à la sauvegarde de la biodiversité.
De plus, en acceptant la donation, la Fondazione a imposé à Almo Nature une modification statutaire (elle est désormais « Almo Nature Benefit SpA » ) ainsi que l’obligation de devenir, avant 10 ans, une entreprise à impact zéro sur la biodiversité.
L’incidence de ce choix sur Almo Nature n’est pas encore mesurable, l’évolution des mentalités des personnels de l’entreprise comme de la Fondazione en est encore à ses débuts et, moi-même, je me sens comme un marathonien sur la ligne de départ.
(Pezzana) : le second mot-clé que je voudrais te proposer, Pier Giovanni, est , le « positionnement ». Comment penses-tu qu’une entreprise “purpose driven” comme Almo Nature, puisse évoluer aujourd’hui, à la fois dans le marché du pet food et dans sa relation avec la Fondazione Capellino ?
(Capellino) : ce modèle, que nous avons désigné « économie de la restitution », nous venons à peine de le créer et maintenant, pour le porter au succès … il va nous falloir travailler plus que les autres !
Il s’agit d’un modèle apparenté au concept de « valeur partagée » (« shared value ») du Prof. Porter, à ceci près qu’il est, à mon avis, plus radical dans ses prémisses.
Je m’explique : les entreprises qui développent des stratégies de durabilité peuvent « changer d’idée » avec assez de facilité dans la mesure où c’est parfaitement dissimulé au travers de stratégies de marketing sophistiquées, et cela reste une perspective managériale, mais sans valeurs ni identité contraignantes.
Notre modèle, quant à lui, exclut cette éventualité : nous avons en effet lié à jamais la réussite, les fruits que l’entreprise produit, à la réalisation de projets qui restituent à 100 % cette réussite, ces fruits, à l’intérêt général.
Il n’existe, dans ce modèle, ni antagonisme ni solution de continuité possibles entre Almo Nature et Fondazione Capellino (comme traditionnellement entre «profit » et « absence de profit ») : la réussite de l’une participe d’une fonctionnalité strictement centrée sur le sens de l’existence de l’autre, et vice-versa.
Quant aux spécificités du marché du pet food, je peux te dire qu’en général il s’agit d’un marché plutôt statique qui a amorcé, ces dernières années, une approche de la thématique de la durabilité environnementale et où l’on compte trop d’entreprises qui parlent de nature uniquement parce que la nature fait vendre.
Pour finir, je précise qu’avec le projet Almo Nature, la Fondazione Capellino est engagée dans les actions suivantes :
- Companion Animal for Life : qui vise à inclure les chiens et les chats dans le statut de la famille, à l’effet de juguler les abandons et faire de l’adoption un acte responsable, préalablement réfléchi.
- Regenerating Villa Fortuna : qui consiste à expérimenter un nouveau modèle d’agriculture (et de paysage) économiquement compétitif.
- Impact on Biodiversity : qui concerne la sauvegarde des habitats naturels et leur extension ainsi que l’élaboration d’une métrique destinée à mesurer, non pas la durabilité de telle ou telle activité mais son impact sur la biodiversité en prenant en compte toute la filière.
(Pezzana) : le troisième mot-clé que je te proposerai, Pier Giovanni, est « exemplarity ». A quel point de vue pouvons-nous considérer cette expérience « exemplaire » et pourquoi ?
(Capellino) : Paolo, c’est là une question qui nécessite un minimum de recul pour pouvoir recevoir réponse adéquate. Ce que nous aurons fait d’exemplaire, on ne peut pas l’annoncer avant de l’avoir accompli : pour l’heure, nous avons assis notre crédibilité en restituant à la biodiversité via la donation de Almo Nature.
Les projets, quant à eux, vont prendre vie progressivement, nous avons encore besoin d’un peu de temps, mais aujourd’hui, ce que je demande à tous, c’est de soutenir le modèle économique de la restitution en choisissant les produits Almo Nature pour nourrir leurs chiens et/ou chats. Le modèle prospérera si Almo Nature poursuit son avancée dans le sillon qui est le sien :
- la qualité reconnue de ses aliments pour chiens et chats
- les valeurs de l’économie de restitution
vers lesquelles doit converger l’approbation de quiconque possède un chien ou un chat.
Les « bravo » ne suffiront pas.