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L'épillet de l’orge des rats - l'ennemi de l'été

L'épillet de l’orge des rats - l'ennemi de l'été

Conseils pratiques du vétérinaire

 

Appelé sous différents noms dans toutes les régions et parties du monde où elle se trouve, l’épillet de l’orge des rats n'est rien d'autre que l'épillet des graminées.

Sa forme ressemble à la pointe d'une lance, avec une extrémité pointue (par laquelle est rattachée la plante) et un corps plus large d'où partent des filaments végétaux plus ou moins fins, rugueux, presque épineux qui, étant naturellement enchevêtrés dans les poils et les plumes des animaux, ont pour tâche de transporter la graine loin de la plante pour ensuite s’enfouir dans le sol et germer (il est clair que la nature utilise aussi le vent pour accomplir cette tâche). C’est justement cette tendance à s’enfouir qui rend cette plante très insidieuse et dangereuse, car une fois qu'il pénètre dans l'une des structures corporelles de l'animal ou crée une perforation de la peau avec sa pointe, l’épillet va toujours de l’avant sans jamais rebrousser chemin.

 

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L’orge des rats est largement répandue aussi bien dans les campagnes que dans de nombreuses zones urbaines (bords de route, parcs publics, parterres de fleurs et jardins communaux). Lorsque la plante se dessèche à la fin du printemps et au début de l'été, les épillets tombent au sol en grande quantité et deviennent un danger pour nos amis à quatre pattes. S’il est clair que cette situation est typiques des mois estivaux, il ne faut en rien sous-estimer le fait que les épillets séchés continuent à poser des problèmes durant l’automne, en particulier si les précipitations n'ont pas été abondantes car c’est d’habitude l’eau qui élimine la plante en la faisant pourrir.

Les symptômes liés au contact avec les épillets dépendent de la partie du corps touchée et de ce fait, l'intervention du vétérinaire sera adaptée à la situation. Toutefois, dans l’optique du respect pour l’animal qui ne mérite en aucun cas de souffrir, le vétérinaire n'hésitera pas à avoir recours à la sédation et à l'anesthésie.

Au cours de mes nombreuses années de travail, j'ai extrait des épillets de toutes les parties du corps de l’animal : oreilles, nez, espaces interdigitaux et toute autre zone de la surface de la peau, anus et zones environnantes, prépuce, vulve et vagin, œil, palais et muqueuse gingivale, et une fois j'ai même dû retirer un rein car c’est l’endroit où les arêtes de l’épillet avaient malheureusement élu domicile.

Quelles sont les zones les plus fréquemment touchées et qu’est-ce qui doit nous faire comprendre que notre animal est victime de l’orge des rats ?

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ZONES CUTANÉES ET SOUS-CUTANÉES :

Si la pointe de l’épillet atteint la peau mais ne parvient pas à la percer et à la pénétrer, on pourra apercevoir une toute petite rougeur qui montre que la pointe a tout au plus irrité la peau en essayant vainement d’y pénétrer.

Malgré cela, l’irritation risque d’entraîner une gêne ou une douleur qui sera constante et que le chien tentera de soulager en se léchant (pour autant que sa gueule puisse atteindre la zone touchée). Dans la grande majorité des cas malheureusement, loin d'éliminer le corps étranger, le léchage risque de favoriser sa progression vers l'intérieur. L'attitude de notre chien doit donc nous inciter à bien regarder la zone sur laquelle il concentre son attention car elle peut nous permettre de repérer l’épillet avant qu'il n'entre complètement ou, en tout cas, de visualiser le trou d'entrée et nous inciter à emmener notre animal chez le vétérinaire pour une extraction avant que l'infection ne s'installe. Si l’épillet n'est que partiellement entré, on peut essayer de le tirer doucement vers l'extérieur, en le saisissant aussi près de la peau que possible et en faisant attention à ne pas casser les filaments au cours de l'extraction car, s'ils restent à l'intérieur, ils pourraient encore provoquer une infection et le problème ne serait pas résolu. En cas de doute, le conseil est d’emmener le chien au plus vite chez le vétérinaire.  Si par contre l’épillet est déjà entré sans qu’on ne l’ait vu, alors la zone affectée (une patte, par exemple) pourra sembler gonflée de manière diffuse, chaude, douloureuse en raison de la présence d'une infection/inflammation, ce qui rendra le chien fort réticent à ce qu’on le touche. Souvent, il est possible de constater la présence d'un ou plusieurs petits trous d'où suinte un liquide rouge jaunâtre. Ces trous représentent soit le point d'entrée de l’épillet, soit la voie de sortie du pus formé par l'infection qui creuse des voies vers l'extérieur (fistules). Dans d'autres cas, un gonflement localisé et arrondi peut apparaître (abcès). En effet, l’épillet est un corps étranger qui transporte également des bactéries et de ce fait, l'organisme réagit en créant d'abord un processus inflammatoire qui peut ensuite devenir purulent, puis fistuleux au fur et à mesure que l'infection se développe.

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Les zones les plus touchées sont les pattes et l'espace interdigité, mais aussi les zones génitales et périanales; le pli de l'aine et les aisselles sont également à risque car ces parties du corps sont au contact du sol lorsque l'animal s'assoit ou se couche. Globalement c’est toute la surface du corps qui peut être affectée pour les raisons déjà mentionnées.

Il est donc conseillé d'inspecter le corps de notre animal en tout point au retour de chaque promenade (il s’agit d’une règle d'or dont nous avions déjà parlé dans un article précédent sur les tiques), notamment dans les zones les plus cachées comme les espaces interdigitaux et surtout chez les chiens au pelage long. Il est très utile de faire en sorte que le pelage de notre animal soit bien peigné et soigné, en éliminant les nœuds ou les zones de poils particulièrement épais qui peuvent devenir de véritables points d’entrée stratégiques pour les épillets.

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OREILLES

Imaginons un chien qui gambade joyeusement dans un parc et qui se met soudain à glapir et à secouer violemment la tête. Certes, il est possible que le chien ait une réaction moins stigmatisée si l’épillet n’a que peu pénétré la peau de son oreille, mais dans ce cas, il est fort probable que le chien se mette à incliner légèrement la tête sur le côté de l'oreille affectée ou qu'il ait tendance à la gratter avec sa patte (et peut-être à gémir en le faisant). 

Ignorer la réaction du chien ou laisser passer les jours "pour voir si ça passe" n'est en rien l’attitude à adopter. Même s'il ne s'agit pas d'une véritable urgence, la présence d’un épillet à l’intérieur du conduit auditif pendant une longue période risque d'entraîner une otite externe purulente avant de s'infiltrer dans la membrane tympanique et étendre l'infection à l'oreille moyenne, ou pire encore, causer un otohématome (épanchement hématique dû à la rupture de vaisseaux sanguins causée par un choc répété au niveau des pavillons de l'oreille).

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Dans d'autres cas, l’épillet est incorporé dans le cérumen abondant d'une oreille déjà mal en point et peut y rester sans causer d’autres symptômes, et cela jusqu’à ce qu’un vétérinaire le retrouve au cours d’une visite de routine au beau milieu de l'hiver : c’est ce que j'appelle personnellement les “épillets fossiles" !

Mon conseil est de ne pas reporter la visite, d'éviter d'exercer une pression à la base de l'oreille pour essayer de voir si le chien se plaint ou non car vous risquez non seulement de pousser l’épillet plus profondément, mais aussi de lésionner vous-même la membrane tympanique. Sachez également qu’il est inutile de regarder à l’intérieur de l'oreille dans l'espoir de voir l’épillet; en effet, le conduit auditif du chien n'est pas court et droit, mais en forme de L avec une partie verticale assez longue qui commence à la base de l'aileron de l'oreille et se poursuit dans la partie horizontale qui se termine à la membrane tympanique. Même un vétérinaire, pourtant équipé d'un otoscope, doit tirer le pavillon vers le haut afin de "verticaliser" le conduit auditif pour pouvoir voir la membrane tympanique.

Pour les chiens aux oreilles très pendantes comme le Cavalier King ou le Cocker, on peut couper les poils de la partie externe du pavillon et tailler un peu le poil autour de l'oreille pour limiter l'adhérence des pointes éventuelles quand l'animal est en balade.

 

YEUX

Un épillet qui pénètre dans l'œil est généralement localisé en dessous de la troisième paupière (structure blanchâtre, comme une sorte de tendon interne de l'œil qui va de bas en haut et que l'on peut voir lorsque notre chien est assoupi ou très détendu). Notre animal chien ou chat (cela arrive que le chat soit touché…) éprouvera beaucoup de douleur qui se manifestera par le plissement de l'œil atteint (blépharospasme) ou par sa fermeture complète associée à un larmoiement abondant. Le contact de l’épillet avec une structure délicate comme l'œil risque d’entraîner une inflammation de la conjonctive et de la cornée qui peut finir en ulcère cornéen. Moins fréquente que les localisations au niveau cutané, nasal ou auriculaire, l’atteinte de l’œil peut se produire lorsque l'animal se roule sur le sol pour jouer ou pour imprimer ses odeurs ou pour se gratter, du fait qu’il appuie et frotte sa tête sur le sol.

Si vous apercevez un épillet au niveau de l’œil, n'essayez pas de le retirer vous-même car il est souvent coincé bien en dessous de la troisième paupière et vous risqueriez de blesser la structure de l'œil qui est très fragile. De plus, en raison de la douleur intense, l'animal pourrait faire des mouvements brusques et de fait, vous risqueriez de lésionner le globe oculaire.

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NEZ

L'entrée de l’épillet dans le nez provoquera là aussi une réaction assez virulente de l'animal qui se mettra à avoir des crises violentes et continues d'éternuements au point qu'il lui arrivera même de se cogner le museau au sol. Des gouttelettes de sang pourraient sortir de la narine affectée. 

Parfois, la violence des éternuements provoque leur expulsion à l'extérieur (ils cessent alors d'éternuer) et seule une légère irritation de la muqueuse nasale subsiste. Dans d'autres cas, l’épillet peut progresser vers le nasopharynx et être avalé, puis digéré dans l'estomac.

En revanche, s’il reste coincé dans la narine, la rhinite inflammatoire initiale se transforme en rhinite purulente avec émission d'un écoulement nasal rouge-jaunâtre ou verdâtre.

Là encore, vous ne pouvez malheureusement pas intervenir pour tenter de visualiser l’épillet et de l'extraire, mais vous pouvez observer attentivement votre animal pour voir de quel côté il courbe le nez avant d'éternuer ou de quelle narine sont sorties les gouttelettes de sang (vous pouvez utiliser un coton ou une serviette en papier que vous placerez sur une narine à la fois pour voir s'il reste des traces rouges ou rosées). Ce sont des informations qui pourront être utiles au vétérinaire. 

Une autre chose que vous pouvez faire est d'observer si l'épillet est effectivement expulsé vers l'extérieur. En effet, si les éternuements cessent à un moment donné, cela ne signifie pas nécessairement que le corps étranger a été expulsé, car la muqueuse nasale a tendance à "s'habituer" à la présence étrangère et à nous induire en erreur, comme cela peut parfois se produire avec l'oreille.

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BRONCHES ET POUMONS

Il peut arriver que le chien inhale l’épillet quand il court la gueule ouverte dans le pré. C'est la voie d'entrée qu’il faut craindre le plus car l’épillet va se fixer dans la trachée ou alors, et c’est le cas le plus fréquent, continuer son chemin vers les bronches et les poumons. Le symptôme immédiat est l’apparition d’une toux qui tend à disparaître rapidement, parfois en quelques heures, voire après quelques coups. 

Un épillet qui atteint le poumon risque de provoquer un pneumothorax (dans ce cas, le chien commencera à respirer très mal) qui pourrait entraîner même des semaines plus tard une pneumonie purulente localisée initialement dans un lobe pulmonaire. C’est pour cette raison qu’il est considéré comme "positif" pour l’animal que l’épillet traverse le poumon, perfore le diaphragme et continue à avancer jusqu'à ce qu'il réapparaisse à la surface de la peau de la zone costale sous la forme d'un abcès avec ou sans fistule. Dans ce cas, il est souvent possible de détecter le corps étranger et de le retirer sous guidage échographique. Si l'on soupçonne que le poumon a été atteint, un scanner sera nécessaire pour le diagnostic et la définition de la localisation, suivi d'une intervention chirurgicale pour l'extraction.  

Dans ce cas, la seule chose conseillée est de faire preuve de la plus grande prudence lorsque votre chien est à l'extérieur, afin de pouvoir détecter le moindre signe qui pourrait suggérer ce dont nous venons de parler.

Alessandra Di Marzio. Vétérinaire indépendant

 
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